RETOUR
Douvres : le voyage de l'horreur
C'est avec stupeur que le MRAP apprend la mort sordide de cinquante-huit immigrants, retrouvés asphyxies dans
un container d'un camion, à Douvres.
Ce drame était hélas prévisible, tout comme celui de la centaine d'immigrés, qui ont péri en 1999 au large de
Gibraltar, alors qu'ils tentaient la traversée sur des radeaux de fortune. Comme aussi Tounkara Fodé et Koita
Yaguine, ces deux adolescents guinéens retrouvés sans vie dans le logement du train d'atterrissage d'un Airbus, en
août dernier à Bruxelles, avec une lettre posthume destinée aux excellences et responsables de l'Europe qui
expliquait leur geste, " parce qu'on souffre trop en Afrique et qu'on a besoin de vous pour lutter contre la pauvreté
et mettre fin à la guerre".
Ce nouveau drame a deux coupables le premier, l'Europe, espace devenu véritable forteresse, recroquevillée sur
elle-même à force de textes de loi, qui conjuguent gestion sécuritaire et policière de l'immigration et fermeture des
frontières; tout en restant sourd aux souffrances et à l'extrême dénuement d'un tiers-monde en proie à la famine,
aux épidémies, aux dictatures. Toutes ces situations favorisent et alimentent la traite et le commerce assassin de
ces nouveaux damnés de la terre.
La responsabilité de certains dirigeants des pays du tiers-monde est immense, et pour plusieurs raisons. En
fermant les yeux devant cet exode, qui représente pour certains dictateurs une soupape; par leur gestion des
affaires, où intérêts personnels et privés l'emportent sur le bien collectif. Notons toutefois que la corruption de
certains Etats du tiers-monde n'altère pas le maintient de bonnes relations avec certaines capitales occidentales.
Devant cette nouvelle tragédie, l'indignation et l'émotion ne sauraient suffire. Pour épargner d'autres vies, une
autre approche et une autre gestion des flux migratoires, à l'échelle européenne, s'impose désormais comme une
urgence absolue: une politique. radicalement différente, qui conjugue développement et respect des droits de
l'homme.
Cela passe par une mesure immédiate, l'annulation de la dette de tous les pays du tiers monde, cette dette qui les
étrangle et les laisse dans l'incapacité totale d'enclencher un processus de développement économique.
Puisse ce drame non seulement déranger les consciences, mais aider à agir vite.
Paris, le lundi 19juin 2000

Sans-papiers
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Ce mercredi 7 juin,
1° - A Lille, une triple intervention des forces de l'ordre a été menée pour évacuer les 26 sans-papiers ayant
engagé une grève de la faim depuis 61 jours, faute de tout autre perspective fondée sur la loi et sur la raison.
Le MRAP qui, depuis toujours, voit dans le dialogue la seule voie de solution d'une situation dramatique,
condamne avec la plus grande fermeté cette intervention, ainsi que les menaces de poursuite judiciaire, pour non-
assistance à personne en danger à l'encontre de différents responsables d'associations.
2° - A Toulouse, une menace d'éloignement forcé vers la Tunisie dès ce soir 7 juin pèse sur Cherif M'HAMDI,
ancien marcheur sans-papiers de la Marche Toulouse-Paris de l'été 1999, militant du parti communiste (clandestin)
de Tunisie, déjà torturé dans son pays d'origine. Sa reconduite forcée représente une menace directe à sa vie et à
son intégrité, une semaine après l'évacuation brutale des 11 sans-papiers s'apprêtant à entamer une grève de la
faim à Toulouse.
Le MRAP dénonce avec force la persistance des autorités françaises à refuser de lui accorder l'asile.
3° - Dans l'église Saint-Merri de Paris, les sans-papiers du Troisième collectif, accueillis par la paroisse, mènent
pendant dix jours une action de sensibilisation à leur dure situation.

Le MRAP demande en urgence:
- l'interruption immédiate de la procédure de reconduite à l'égard de Cherif M'HAMDI, et le réexamen de sa
demande.
- la réouverture immédiate du dialogue entre les préfectures et les sans-papiers de Lille et de Toulouse, en vue
d'un réexamen objectif et bienveillant de leur dossier.
- Une révision par le gouvernement de sa politique à l'égard des quelques 80 000 sans-papiers laissés pour compte
de la circulaire de 1997 et de la loi RESEDA.
Il est urgent de mettre en ouvre la régularisation de l'ensemble des sans-papiers présents sur le territoire français.
Paris, le 7 juin 2000