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Victime des intégristes, Khadra brûlée vive

En 1994, Khadra avait 26 ans, elle était jolie et pensait avoir l'avenir devant elle, même s'il n'était plus du tout
radieux en Algérie. Elle persistait à aller en jogging au collège où elle travaillait comme professeur d'éducation
physique: une forme de résistance active, au quotidien, pratiquée par des milliers d'Algériennes face à la montée de
l'intégrisme et de ses diktats iniques et absurdes.
C'était compter sans la folie ambiante, cette sorte de délire sectaire qui s'était emparé de nombreux inactifs,
possédés par la haine des femmes. Ne devait-elle pas être couverte de la tête aux pieds ? Rester chez elle et baisser
les yeux et la voix ?
En pleine rue, elle fut bousculée et aspergée d'essence: une allumette et s'en était fait de sa beauté. Sa vie ruinée.
Son corps marqué à jamais.

Correspondance:
Je commençais à flamber. Je criais de toutes mes forces. Je courus comme une folle dans tous les sens pour trouver
de l'eau ou de la terre pour m'y enrouler. Je protégeais mon visage en oubliant le reste de mon corps, car je portais
des verres de contact et craignais de perdre la vue. Ce n'est qu'après que mes vêtements ont été complètement
brûlés que j'ai été secourue Depuis les souffrances endurées par Khadra moralement mais aussi physiquement, ne
se sont pas atténuées.
Brûlée au troisième degré, après avoir reçu les premiers soins en Algérie, elle a été hospitalisé un mois à Lyon dans
un servicespécialisé. Mais un mois, c'est court pour un cas aussi grave. Pourtant, c'est la fin de la prise en charge
par la caisse d'assurance algérienne.
Depuis, Khadra a réintégré l'Education Nationale comme technicienne du spor. Elle prend des calmants. C'est tout
ce qu'on lui prescrit. Elle cherche à acheter des crèmes qui soulagent, sa peau à vif sur " 46,5 % de la surface
coporelle "; les pourcentages calculés par les médecins sont implacables. Tout le haut du corps est abîmé. Elle reste
défigurée et a du mal à lever la tête, mais elle garde espoir.
Espoir qu'un jour elle pourra retourner à Lyon pour une chirurgie réparatrice. Mais pour cela, il faut des fonds.
Espoir qu'un jour sa voix de victime sera entendue par les pouvoirs publics en Algérie.
Quand à son aggresseur après avoir été incarcéré, il a été déclaré malade psychiquement. Et libéré.
" Un être humain brûlé vif par barbarie ne serait-il pour eux qu'une chose ? " se demande Khadra.